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Ce soir où j'ai eu peur d'être une femme, lettre ouverte

Je n'ai pas souvent honte de mon genre. Je suis une femme-cis blanche, hétéro sexuelle, et pas aussi attirante que toutes les nanas de mon lycée. Pourtant, ce soir, j'ai peur d'être une femme. Peur de ce qui pourrait m'arriver dans la nuit.


Ce soir on m'a invitée à sortir, pour aller loin, en dehors de la ville, à une rencontre avec une personnalité à qui je désirais parler. J'ai très envie d'y aller, et pourtant, quelque chose me retient. Un truc sombre et laid, qui corrompt tout ce qu'il touche. Un truc qui fait mal là où ça passe, et qui empêche les jeunes filles comme moi de marcher dans la rue.


Ce soir, j'ai peur de mon genre, peur d'être une femme, parce que je sais que si je rentre tard, je ne serai plus une femme, je serai l'objet de qui veut, appartenant à toutes les personnes qui croiseront mon regard et se diront que je suis faible.


Je ne suis même pas très jolie.


Et pourtant, je ne m'appartiendrai plus.

Parce que les agressions ne sont pas qu'une légende urbaine, et que vivre dans un pays développé ne change rien.

Que même si elles ne sont pas sexuelles, ou uniquement sur des femmes, elles font quand même peur. Je vois souvent mes amies qui habite en centre ville sortir, aller boire un verre tranquillement, se balader après 20h. Je ne l'ai fait qu'une seule fois, en été, où la lumière ne tombait pas avant 21h. Quoi de pire que de marcher dans une ruelle sombre, seule, avec pour seule armure ma veste trop fine sur les épaules et mon casque trop vieux sur les oreilles. Je ne suis même pas jolie, je n'essaye même pas « d'attirer les regards sur moi dans la rue », je me planque plutôt dans mon écharpe trop grande en regardant mes pieds avancer machinalement. J'ai tellement envie de sortir, de voir la ville la nuit quand elle est silencieuse avec juste les lumières des lampadaires, ces mêmes lumières qui m'effraient quand je me retrouve seule.

Les garçons ne comprendront sûrement jamais. Certaines filles en sont venues à trouver des techniques pour ne pas avoir à se justifier. « je me déguise en garçon », « je m'habille très très laidement pour qu'on ne m'accoste pas », « je garde toujours un petit déo dans mon sac au cas où, ça fait mal dans les yeux ». Le comprenez vous ? Moi je le subis. Comment pourrais je sortir dehors si mon genre est une menace ? Je ne suis sûrement pas la plus courageuse, c'est sur. Et pourtant, je ne suis pas la plus peureuse. J'attends juste. J'attends ce jour où je pourrais prendre ma petite veste, l'enfiler, ne pas me cacher sous mon casque et ma musique trop forte, seule barrière contre moi et le bruit malsain du noir. Je regarderai devant moi en marchant, parce que même si je ne suis pas la plus jolie, des fois je me trouve belle, et personne ne devrait avoir le droit de m'empêcher de me sentir comme telle juste parce que mon sentiment de beauté est partagé et que ce partage rend mon propre ressenti inférieur, dominé par celui des autres.

Ce soir là, je serai fière, mais en attendant, j'attends, comme la plupart d'entre nous. Car je ne suis pas la seule, à avoir peur d'être une femme ce soir. Et ce jour là nous marchons toutes ensembles, belles et heureuses d'enfin goûter à la nuit la vraie sans avoir peur. Je veux connaître les lampadaires et le bruit des jardins sous la lune.

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