Ce soir j'ai vu pour la première fois Magic Mike (Steven Soderbergh, 2012)
Dernière mise à jour : 1 sept. 2019
Ce soir lecteur.trice, je vais te parler un peu de moi.
J'ai 19 ans et je suis étudiante en classe préparatoire littéraire, en Khââââgne comme le disent les gens qui se la jouent, et en L2 d'études d'art cinématographique. Je prépare le concours de l’École Normale Supérieure, concours hyper élitiste et difficile. Je m'éclate, c'est hyper enrichissant, j'apprends un max de truc et j'ai passé deux ans avec des gens qui sont aujourd'hui un peu comme ma famille. Pourtant, y'a des moments où j'ai vraiment besoin de décompresser, où je cherche à m'évader un peu, et ça passe très souvent par le cinéma. Je me mets alors en quête de films ou de séries (Netflix si vous passez par là, cimer pour les nouveaux ajouts) qui pourront me détendre ou bien me faire réfléchir (L2 de cinéma quand tu nous tiens). Et ce soir, alors que j'ai passé une semaine pourrie, je tombe sur Magic Mike. Jamais vu ce film, j'en ai entendu parler et je connais l'histoire mais ballec, il est temps de passer aux images. Je me lance alors dans le visionnage de ce film pour le moins culotté (tu l'as?).
Ce soir, après avoir passé une semaine enfermée dans une même pièce, après avoir travaillé chaque jour 6 heures sur des feuilles de papier, après avoir vidé un stylo-bille en une semaine, je me sens un peu comme une bouse. Je suis lessivée, j'ai trimé sur des sujets qui me passionnent autant que la dernière aventure des Kardashians, j'ai vraiment besoin de décrocher, de poser mon cerveau sur le côté du lit et de m'allonger dans une position qui est à la fois confortable et qui me permet de poser ma tête sans nécessiter aucun muscle (je t'apprendrais). C'est donc dans cet état d'esprit que je lance Magic Mike sur mon téléphone portable, mon ordinateur est trop loin et j'ai la flemme de me lever.
Magic Mike c'est un film sur des mecs mais pour des meufs. C'est l'histoire de Mike (Channing Tatum), un strip-teaser de Tampa en Floride, qui rencontre Adam (Alex Pettyfer), un jeune mec de 19 ans un peu perdu que Mike prend sous son aile et introduit dans le monde de la nuit (imagine une voix suave, ça donne le plus bel effet). Magic Mike, c'est plein de mecs hypers beaux, c'est des scènes entières de gens qui se chopent, de culs qui remuent, de meufs qui hurlent face à des gars torses-nus qui font semblant de les baiser pour être sûrs d'avoir le slip plein de 1$ et qui adorent leur taff. Je devrais être aux anges tu vois ! Être en train de baver devant les beaux gars !
Mais non. Ce soir, alors que mon lit est mon meilleur pote et que devant mes yeux défilent un grand nombre de paires de fesses, ce qui me fait vraiment vibrer c'est une petite scène entre Mike et la grande sœur de Adam, Brooke. Ce qui fait que je te parle de Magic Mike ce soir, c'est cette scène, cette petite scène de rien du tout qui annonce le dénouement du film. Une toute petite scène qui m'a soudain fait réfléchir à ma vie et à ce que j'en fais.
Dans cette scène Mike se rend chez Brooke (on comprend qu'il y a un petit truc entre eux, même si eux-mêmes ne se l'avouent pas) après qu'elle lui a balancé à la gueule qu'il est un mec raté sans avenir parce qu'il a 30 balais et qu'il est encore strip-teaser. Boum, dans les dents. Mike va donc la voir pour essayer de lui expliquer qu'il n'est pas que ça, qu'il est plus. Il essaye mais il n'y arrive pas, ses phrases n'ont aucun sens ou bien elles ne sont pas finies, il n'arrive pas à s'exprimer. Il a alors cette phrase qui m'a réveillée de mon coma cérébral (j'avais mis mon cerveau sur off) : « Mais je ne suis pas mon travail, mon travail n'est pas ce qui me définit ».
Soudain, face à cette petite scène pourrie cachée au milieu des culs et des mecs musclés, j'ai pris conscience que moi non plus je n'étais pas mon travail, ou dans mon cas un résultat.
Moment émotion : Dans ma filière, il n'y a normalement qu'une seule porte de sortie : je dois réussir un concours préparé pendant 2 ans. Or ça fait 1 an que j'en chie en cours, que je garde la face, que parfois je craque. Ces derniers mois c'est de plus en plus difficile de pas me tirer en plein milieu des cours ou de ne pas me tirer tout simplement. On les connaît les discours des gens qui voient les autres arrêter « non mais iel n'avait pas ce qu'il faut », « quel dommage de s'arrêter si proche de la fin », « ça va encore faire un.e chômeur.euse ». Je l'ai moi-même pensé. Je pensais que ceux qui ne s'accrochent pas dans leurs études ne tiendront nulle part, qu'iels manquent d'ambition, qu'iels ne s'en sortiront pas dans la vie professionnelle. J'en chie parce que la porte de sortie de mes études actuelles n'est pas pour moi, que ce concours n'est qu'un rêve impossible, que je n'ai pas les capacités pour le réussir. Ça me mine le moral de savoir que je vais échouer, de savoir avant même de le passer que ce n'est pas la peine. « Mais non t'inquiète pas tu vas le réussir » me disent mes proches, mais combien savent ce que je vis ?
Soudain, en voyant cette scène de Magic Mike, j'ai compris.
Je ne suis pas mes études, et je ne suis pas mon futur, je ne suis pas un résultat. J'ai les yeux qui se mouillent alors que j'écris ça, parce que la réponse à ma peine m’apparaît clairement : je ne suis pas un résultat. J'ai déjà raté des concours dans ma vie (3 pour être précise) et pourtant je suis là, je m'en sors comme je peux, je réussis là où je peux. Je ne suis pas qu'une boule d'échec, je suis aussi moi, une nana qui a réussi dans tellement de choses.
Comment ne pas l'avoir vu plus tôt ? Comment ne pas l'avoir compris lorsque mes potes me disaient « T'inquiète c'est pas grave ! Ça ira mieux demain, et puis sinon on fera autre chose»? Je suis trop conne. J'en suis venue à penser que je me devais d'être la meilleure, d'être la plus forte pour réussir dans la vie. Mais ma vie ce n'est pas ce que je serais, ou ce que je ne serais pas ! Ce soir, face à Magic Mike je comprends que je vaux quelque chose, et que cela ne dépend pas de ce que j'aurais réussi. Ma valeur ne se vaut pas à la taille de mon diplôme, elle ne se vaut pas à mon rang sur la courte liste des admis, elle se vaut à ce que j'aurais donné et à ce que je choisis de faire demain. Ne pas faire de longues études n'est pas une fatalité, ne pas faire un parcours réservé à l'élite n'est pas une fatalité. J'ai toute la vie pour réussir là où je veux réussir. J'ai 19 ans et encore tellement de choses à vivre, un concours ne me définit pas.
Face à cette scène de Magic Mike je ne pleure pas, en temps normal je l'aurais fait mais pas ce soir, parce que ce soir je comprends que ce n'est plus la peine de pleurer, maintenant il faut sécher ses larmes et avancer. Magic Mike m'a redonné un peu de courage.
C'est alors que je regarde Magic Mike danser comme un taré face à des nanas de 21 ans qui hurlent, après ma petite minute existentielle, je comprends ce qu'est le cinéma et pourquoi cet art plaît autant : la force du cinéma c'est de faire parvenir à la personne qui regarde le film des messages, même aussi simples soient-ils, aussi évidents soient-ils. C'est donner envie aux gens d'avancer comme les personnages, d'évoluer comme eux. En littérature on appelle ça la catharsis, c'est le fait de se reconnaître dans les faits et gestes des personnages (principalement du théâtre antique avec les tragédies grecques comme Phèdre) pour expier ses passions. Ce soir encore je vois le pouvoir cathartique du cinéma, et ça fait un bien fou de pouvoir se livrer et se libérer par le cinéma.
Ce soir, j'ai regardé pour la première fois Magic Mike, j'ai vu le boule de Channing Tatum un paquet de fois pendant ces 1h50, et pourtant, ce soir c'est ma petite tête que j'ai envie d'embrasser pour me dire « t'inquiète pas, ça va aller, prends juste la vie 10 secondes à la fois, et ensuite kiffe la vibe ».
Cet article pour dire quoi ? Que j'ai vu des culs et que j'ai eu une prise de conscience sur mon existence ? Alors oui, mais pas que. Cet article pour m'adresser à toi lecteur.trice. Je ne te connais sûrement pas, je ne sais pas qui tu es. Toi et moi on a une relation à sens unique sur Crusoa, mais pourtant je veux que tu saches que tu es aimé.e, que tu es encouragé.e, que tu es soutenu.e. Cet article je l'ai écrit pour que comme moi, tu te rendes compte de ta valeur et de ta chance de vivre et de choisir pour toi ce que tu veux être. Toi seul.e décide, ne laisse rien se mettre en travers de ton chemin, et comme disait le poète W.E. Henley « Je suis maître de mon destin, et capitaine de mon âme ». Prends en bonne note lecteur.trice, n'oublie jamais que tu es la seule chose qui te définisse. Ce n'est pas un concours, pas un commentaire, pas un refus qui te définit. Toi seul.e choisis ce que tu es et ce que tu veux être.
Sur ce, je viens de voir qu'il y a une suite à ce film, voyons voir quelle prise de conscience j'aurais face à ma situation financière catastrophique....
Je t'embrasse.