top of page
  • Norita

Féminisme, préciosité et voyage dans le temps : La Princesse de Clèves – Outlander

Lecteur, lectrice, chat qui regarde par dessus l’épaule de ton humain de compagnie (oui, toi aussi je te vois), mettons nous d’accord : qui a vraiment découvert les plaisirs de la lecture en commençant par des classiques ? Les quelques doigts qui se lèvent à cette question sont rares, et honnêtement, je les admire. Mais pour tous les autres, ne culpabilisez pas. Vous n’êtes pas les seuls à avoir commencé en dévorant des mangas, en feuilletant des comics où en vous plongeant dans toute autre aventure de SF, fantaisie ou roman à l’eau de rose. Et qu’est ce que c’était bon ! Alors je vous propose un petit retour aux sources, allons ensemble creuser entre les racines du grand arbre des livres. Vous savez, ceux considérés comme « non-légitimes », qu’on évite de citer dans ses dissertations où dont on évite de parler dans les dîners mondains ! (j’ai testé pour vous de citer Dune en ouverture de dissertation d’anglais : ça ne passe pas).


Ici le classicisme de Mme de Lafayette rencontre la fantaisie contemporaine...



Personnellement je ne connais qu’une seule personne qui s’assume comme adoratrice de La Princesse de Clèves, alors qu’autour de moi, beaucoup plus de personnes me parlent de Outlander (même le copain de ma mère s’y est mis, c’est vous dire…). Le lien entre les deux vous parait flou ? Que néni ! Je vous explique tout, mais revenons un peu en arrière, histoire de vous planter le décor.


Commençons par La Princesse de Clèves.

Il était une fois une fille très jeune, très belle et très pure. La demoiselle est introduite à la cour du roi Henri II où elle fait grande impression : tout le monde l’admire. En une cinquantaine de page la jeune ingénue se retrouve mariée à M. de Clèves, un jeune homme qu’elle aime bien (comprenez par là qu’il n’y a aucune passion de son côté. Mais bon, il est gentil et maman trouve qu’il fait un chouette gendre). Le problème est que, l’amour, le vrai, arrive plus tard … Et même que la princesse tombe nez à nez avec lui en plein bal ! Elle fait là la rencontre de Monsieur de Nemours et quand « leurs yeux se rencontrèrent » elle ne peut s’empêcher de l’aimer. Forcément, c’est là que ça s’emballe. La miss est mariée, et tout son entourage lui décrit les dangers de la passion, les conséquences du mensonge et de l’adultère et les fissures dans le beau tableau de la cour sont exposées (parce qu’ils ont beau être nobles ce ne sont au fond qu’une bande de trousseurs de jupons et de coureuses de remparts*). La princesse se trouve alors confrontée à toutes les questions qui caractérisent la préciosité de l’époque de l’auteur.


Pour les deux du fond qui ne suivent pas, la préciosité est un courant littéraire du XVIème siècle. Les précieuses sont des femmes qui se retrouvent dans des salons pour parler bouquins et se questionner sur mœurs (des soirées pyjama très très pimpées). Et les questions que se posent la princesse sont EXACTEMENT les questions que se posent les femmes de la préciosité. Une femme doit elle allez à un bal organisé par son amant ? Doit elle avouer à son mari qu’elle est prise de passion pour un autre ? Peut-elle montrer à son amant qu’il lui plaît ?


La princesse de Clèves refuse de céder à la passion, mais cet amour transparaît alors dans chaque geste, dans chaque aveu à demi mot et dans de longs (vraiment longs) moments de doute et de questionnement. Je n’en dis pas plus, à vous de voir si vous mourrez ou non d’envie de savoir la fin.

Je vous joins ici le succulent résumé de Jean Rochefort (toujours dans nos cœurs). A savourer encore et encore !




Moment jugement personnel : attention, je spoile.

Personnellement, La Princesse de Clèves n’est pas ma tasse de thé. Je n’ai vraiment pas accroché et j’ai attendu pendant longtemps que l’héroïne cesse ses jérémiades pour se jeter au cou de son amant (mais pour ça je peux me gratter. Le truc le plus hot qu’ils aient fait c’est se regarder.).


Quel lien avec Outlander me direz vous ? Et bien Claire, l'héroïne de la saga de Diana Gabaldon est confrontée au même dilemme que notre belle princesse de Clèves.

Pour elle l’histoire commence en 1945 dans les Highlands écossaises. Claire, ancienne infirmière part en voyage avec son mari Frank dans l’espoir de retrouver un peu d’intimité et de joie après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Et pour ça quoi de mieux que de se balader sur la lande et de s’envoyer en l’air dans de vieilles ruines ? Mais alors qu’elle observe le menhir de la colline de Craigh na Dun elle est étrangement attirée par la pierre … et passe (littéralement)au travers. Elle se retrouve projetée en 1745 alors que gronde la révolte des Highlanders contre l’oppression anglaise... Plongée dans ce passé trouble, Claire va devoir faire preuve d’inventivité pour cacher ses origines (parce que quand tu essaies gentiment d’expliquer à un écossais du XVIIIème siècle que tu arrives du futur, tu termines au bûcher !)


A partir de là, la Princesse de Clèves et Claire auraient deux ou trois choses à se raconter.

Claire est confrontée à un grand dilemme sur lequel les Précieuses auraient eut bien des choses à dire. Une femme projetée dans le passé doit-elle tout faire pour retourner dans son époque ? Doit-elle s’adapter et refaire sa vie 200 ans avant sa propre naissance ? D’autant plus que Claire fait la rencontre de Jamie Fraiser, rouquin au passé obscur mais à la grande douceur. … Le véritable amour naît-il d’un voyage dans le temps ? Tromper son mari 200 ans avant sa naissance est-ce toujours de la tromperie ? Ces questions auraient parfaitement leur place dans un salon de précieuses, n’est ce pas ?

Mais au-delà de ces question, ces deux romans mettent en lumière la force d'une femme, projetée dans un univers dangereux, oscillant entre deux hommes, entre devoir, morale et passion. Deux romans différents, deux femmes, un même problème. Claire est SANS L’OMBRE D’UN DOUTE ma nouvelle héroïne féministe préférée (allez lire, ou au moins regardez la série, je vous jure : la donzelle dépote), et même si j’ai beau personnellement ne pas beaucoup aimer Mlle de Clèves (elle m’agace) je ne peux m’empêcher d’énormément la respecter. Cette très jeune fille, mariée sans rien savoir de l’amour est prise dans le monde dangereux des intrigues de la cour, où un mauvais pas coûte cher. Et malgré son jeune âge, elle parvient à rester fidèle à ses valeurs, elle lutte pour ses choix, bien qu’ils soient critiquables. Claire s’inscrit dans la même dynamique et prouve que l’amour, c’est aussi une myriade de nuances.


Comme quoi classique et roman fantaisie ont plus en commun qu’on ne le croit….


Et puis si vous n'avez rien à faire, allez donc visionner la série, vous m'en direz des nouvelles !
Et puis si vous n'avez rien à faire, allez donc visionner la série, vous m'en direz des nouvelles !

* Expression bien plus fleurie que tchoin et queutard, mais ne vous inquiétez pas, un florilège d’insultes médiéval est en préparation

117 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page