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J'ai voulu revoir... "Préparez vos mouchoirs" de Bertrand Blier

Dernière mise à jour : 27 janv. 2019


Introduction

J’ai un gros défaut. Oui, seulement un. Je ne sais pas regarder une oeuvre en tant que telle. Je l’apprécie à travers le prisme de tout ce que je sais d’elle, et de ce que je connais d’autre de l’artiste. Pas du contexte géo-politique de la période pendant laquelle il a été fait, mais bien de la carrière du réalisateur. En l'occurrence au cinéma, je fais aussi attention aux acteurs, et à tous les autres techniciens. C’est d’ailleurs amusant de relever que c’est le seul art qui est à ce point nécessiteux d’autant de personnes, tous les autres (hormis l’architecture) pouvant être l’oeuvre d’une seule personne. J’aime dire des évidences auxquelles on ne pense pas. Bref, ce film là, c’est Bertrand Blier qui l’a écrit et réalisé, avec le tandem Depardieu-Dewaere, accompagné en tête d’affiche par Carole Laure.



Regardez des films de Blier

Donc quand on voit ces deux immenses acteurs ensemble à l’écran, dans un film de ce mec là, on pense forcément à un film en particulier : Les Valseuses.

Deuxième film du réalisateur, et premiers (premier) rôles pour les deux acteurs. Qui leur vaudra à tous une reconnaissance internationale : le film faisant scandale, pour la libération des moeurs, -surtout sexuelle-, que prônait l’auteur, et sa critique de la société bourgeoise, thèmes qui le suivront jusqu’à aujourd’hui.

Pour autant, aujourd’hui, un film comme ça serait interdit. Voyez-le et vous comprendrez. Il est surtout d’un humour absurde cultissime, et d’une poésie unique. D’ailleurs Bertrand Blier n’est pas un metteur en scène mais un poète. Également romancier, il dit (comme Kubrick avant lui, rien que ça) qu’un scénario, pour faire un film, c’est plutôt moyen, qu’il vaut mieux le faire à partir d’un roman. La différence avec le vieux Stanley, c’est que Blier adaptait ses propres romans. Stan devait être un gros flemmard, il prenait ceux des autres. Mais on s’égare. J’adore ça.

Enfin, Les valseuses est le parfait film d’initiation au cinéma de Blier, et même au cinéma tout court. D’abord parce que c’est le plus réussi, le plus abouti. Que Dewaere, après s’être fait sodomiser par Depardieu, crie que partout où il va, il “se fait enculer”, et que Jeanne Moreau se suicide d’un coup de feu dans le vagin, après avoir couché une dernière fois avec les deux gus, car elle est ménopausée. Ça c’est de la poésie. “Le tourbillon de la vie”, qu’ils disaient.


Quand on a vu ce film, il faut ensuite s’attaquer au reste de sa filmographie, malgré ses quelques navets, recelant toujours quelques perles. Les comédies avec Depardieu, Trop belle pour toi, Tenue de soirée, Buffet froid.. Et un drame, tiens, avec Dewaere : Beau-père, somptueux de sobriété, ce qui n’est pas le fort de Blier.

Ensemble, les deux amis (et rivaux), n’ont fait qu’un film de plus, en 1978, et c’est celui dont je suis censé vous parler. Ce qui le rend d’autant plus appréciable. Ils auraient pu (dû) en faire plus, si Dewaere n’avait pas mis fin à ses jours en 1982, alors qu’il devait jouer dans La femme de mon pote, le prochain film de Blier.

C’est Thierry Lermite qui le remplacera dans ce rôle pour finalement partager l’affiche avec Coluche, son meilleur ami. Meilleur ami qui était avec la femme de Dewaere en Guadeloupe le jour de son suicide, mais cela ne nous, regarde pas. BREF.


Il devait aussi faire un film de Claude Lelouch (avec qui il parlait de son sevrage imposé pour ce film, Edith et Marcel, quelques heures avant de se suicider). Quand on sait déjà un peu tout ça, on rigole différemment aux blagues de ce film. Plus fort pour moi.

Préparez vos mouchoirs s’ouvre sur une scène au restaurant (très souvent dans les films de Blier) : Depardieu va voir Dewaere, un inconnu, lui demandant de lui prendre sa femme, qui s’ennuie avec lui. Ils deviendront très bons amis, tous deux obsédés par deux choses : cette femme platonique au possible, et Mozart. Et leur complicité, poussée à l’extrême et tournée au ridicule, est jubilatoire.

Et ça, c’est bien-sûr indissociable des Valseuses, et de la manière dont ils traitaient à l’époque Miou-Miou, comme lorsqu’ils se demandent, s’interrogeant sur son tempérament relatif à celui d’une huître, s'il était possible qu’elle soit “juste con ?”. J’ai pas dit que ce film était fin. Et pourtant, si. Car la seule chose qui la sortira de cet ennui mortel de vivre, pendant que les deux se débattent pour la rendre un peu vivante, c’est un gamin surdoué de 14 ans. Une scène, l’une des plus belles du cinéma, où celui-ci, rejeté par les fils d’ouvriers cons de sa colo, la déshabille pour découvrir son corps, alors qu’elle dormait.

Le film rentre tout d’un coup, comme une pierre qui tombe (ça c’est de la métaphore) dans une atmosphère suspendue dans le temps. Des plans tout d’un coup très rapprochés de leur jeu de regard, et l’extrême lenteur par laquelle il parvient à coucher avec elle. Une histoire d’amour tabou que l’auteur retraitera deux ans plus tard avec Dewaere dans Beau-père, y ajoutant comme le titre l’indique, une dimension en plus, donc.

Si il fit scandale, ce fut incomparable avec celui que provoquai Les Valseuses. La preuve : un Oscar du meilleur film étranger, tout de-même.


Pour la petite histoire d’ailleurs, Bertrand Blier lui-même reconnaît que Sonate d’automne d’Ingmar Bergman, qui l’avait devancé un mois avant aux Golden Globes, était le plus beau film de l’année, et qu’il méritait cet oscar. Seulement le film n’a pas été aux oscars, sûrement à cause des problèmes qu’avait le réalisateur avec le fisc en Suède, révélés à cette période.



Pour finir

Tout ça pour dire qu’il est impossible de faire abstraction de soi lorsque l’on regarde un film. Du contexte dans lequel on le regarde, émotionnel ou physique, comme il est impossible, et c’est tant mieux, de faire abstraction de ce qu’ont fait avant (et après, mais pas de tautologisme) les acteurs, au sens large du terme, d’un film, lorsqu’on s’y est intéressé. J’en déduis que lorsqu’on créé, on prend aussi en compte tous ces éléments, que rien n’est fait au hasard, ou alors inconsciemment. Une oeuvre se constitue tout au long d’une vie, et vous ne ferez jamais autant plaisir à un artiste, pour peu que ça compte, qu’en lui en parlant.



Quelques films ou réalisateurs importants auxquels je fais référence :

-Les valseuses,

-Trop belle pour toi,

-Beau-père,

-Buffet froid,

-Tenue de soirée, de Bertrand Blier

-Série noire, d’Alain Corneau, avec Patrick Dewaere

-Edith et Marcel, de Claude Lelouch

-Sonate d’automne, d’Ingmar Bergman



MauvaiseLimonade

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