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JUL : L'Ovni et le Surréalisme

Salut ! Dans cet article on va prendre deux choses que j'adore, à savoir le courant artistique du surréalisme et Jul, et on va tenter de les comparer. A priori c'est deux salles deux ambiances, d'un côté des poètes et artistes bourgeois, un peu élitistes malgré eux, qui veulent redéfinir la littérature en laissant parler l'inconscient et de l'autre le rappeur le plus critiqué et le plus productif, ex-prolétaire qui s'habille toujours chez Decathlon. L'idée va être de montrer comment, malgré leurs différences évidentes, une volonté créatrice similaire peut se dévoiler.



Pour commencer pas du tout en douceur, prenons la définition du surréalisme proposée par André Breton dans Le Manifeste du surréalisme (1924) :

"Surréalisme, n.m. Automatisme psychique pur par lequel on propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale."

Dans cette définition brute, il pourrait sembler un peu difficile d'entrevoir une quelconque similitude avec l’œuvre de Jul, diamétralement opposée par son langage fluide. Pourtant Breton exprime simplement son ambition d'une écriture libérée des codes habituels qui contraignent l'accès à une expression plus authentique.


On ne peut pas dire non plus que Jul prenne en compte ces codes. En défiant parfois le bon goût, il se place « en dehors de toute préoccupation esthétique ». Pour On m'appelle l'Ovni, le rappeur reprend plus ou moins une mélodie de Francky Vincent et tourne un clip sur fond vert avec des Zovnis en 3D, une idée qui semble comme ça très mauvaise mais qui au final donne un excellent tube qui tape 64M de vues sur Youtube et un single certifié platine. Jul ne se soucie pas des règles, il insère des mots de langues et d'argots varié-es à ses textes et fait parfois des fautes de français (genre les « si » avec les « rais ») qui rendraient jaloux le chef de fil du surréalisme.


Plus tard dans son manifeste, André Breton définit le principe d'écriture automatique que les surréalistes pouvaient utiliser, pour leurs poèmes le plus souvent : "Faites vous apporter de quoi écrire, après vous être établis en un lieu aussi favorable que possible à la concentration de votre esprit sur lui-même. […] Écrivez vite sans sujet préconçu,". Alors je sais pas vous mais à chaque fois que j'entends Jul parler de comment il écrit et compose – s'isolant au studio et faisant parfois plusieurs sons par jours - je pense à ça.


Ce qui force le respect pour l'O.V.N.I. c'est sa productivité, jusqu'à 4 albums par an. Et depuis le début, c'est lui qui fait tout, de la production à l'écriture. En interview, il affirme parfois faire 2 sons de A à Z en une journée et Mehdi Maïzi parle avec lui « d'écriture mécanique ». A partir de là, un lien peut se dessiner avec la manière surréaliste ; écriture automatique d'un côté, mécanique de l'autre.


L'écriture instinctive et - à priori - simple de Jul peut à mon sens être rapprochée de celle des surréalistes. Jul affirme souvent chercher une forme de vérité dans ses textes, et comme André Breton le conseille, il ne va pas la trouver dans des discours longs, fruits de recherches qui le sont tout autant, mais plutôt dans une forme d'instantanéité, laissant peut être son instinct parler plus vite que lui. Le chef de fil du surréalisme suggère encore "que la vitesse de la pensée n'est pas supérieure à celle de la parole", le rappeur marseillais pourrait utiliser cette loi lorsqu'il crée, à l'entendre parler et à écouter ses morceaux c'est du moins ce que l'on peut penser.



Jul crée donc son style sans chercher à correspondre à ce qui est à la mode ou à ce qui marche mais en parlant « à cœur ouvert », sans réfléchir à deux fois. Et ce qui est cool c'est qu'aujourd'hui, ce qui marche c'est son style. On peut voir dans sa réussite l'affirmation de l'honnêteté sur l'emphase et peut être qu'en ça il aurait fait kiffer les surréalistes.

Alors ce rapprochement peut sembler hasardeux ou du moins exagéré, après tout on pourrait sans doute rapprocher n'importe quels artistes avec un peu de volonté. Mais s'il fallait retenir une chose de cette comparaison c'est que Jul n'est pas un mauvais rappeur contrairement à ce que veulent nous le faire croire les vendeurs Fnac peu scrupuleux. Si on cherche un peu et qu'on oublie vite fait nos préjugés, il y a matière à réfléchir dans son œuvre et on pourrait peut-être même l'assimiler à des courants poétiques du XXe siècle.



Les refs principales pour cet article :

- Le Manifeste du surréalisme, André Breton, 1924.

- Clique x Jul - Clique TV : interview de Jul par Mouloud Achour (lien)

- Speakeasy de Mehdi Maïzi avec Jul, sur Deezer (lien)

- Bien sûr, la discographie de Jul

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