Street Art à Montpellier : rencontre avec Adec, artiste membre de LineUP
À Montpellier, LineUP regroupe de nombreux artistes aux univers variés et colorés. Et si la culture semble à l’arrêt dans tous les domaines, LineUP continue de colorer les murs de l’Occitanie. Rencontre avec Adec, membre de l'association, au CHU de Montpellier, où il réalise une fresque participative. Il nous raconte son univers et son travail.
Né à Paris en 1985, Adec se consacre à la peinture et au graffiti depuis les années 2000. Après avoir suivi un cursus artistique dans une école de trompe l’œil en Belgique, il revient s’installer dans le Gard en 2013. Membre de l'association montpelliéraine d'artistes LineUP, il a réalisé une fresque participative dans le cadre du projet EXTRAMUROS du programme « Culture et Santé », de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) Occitanie et du CHU de Montpellier. CRUSOA l’a rencontré alors qu’il réalisait cette fresque. Il nous a parlé de son travail artistique, de son univers, mais aussi et surtout de cette fresque dont la paternité est partagée entre l’artiste et les patients du CHU.
Un style brut qui pourtant ne manque pas de maîtrise
Amateur de peinture depuis qu’il a 17 ans, Adec est un artiste au style complexe. À la fois simple, brut et maîtrisé, il créé des œuvres pour le moins déconcertantes. « Il y a un côté très spontané et très foufou dans mon travail, mais il y a aussi un côté très rigide. » Que ce soit dans ses peintures ou dans ses œuvres urbaines, l’outil domine. « J’aime garder la technique de l’outil, avoir quelque chose de brut. Ça me saoule le tracé, le remplissage, le coloriage. Au contraire, j’aime retrouver la trace de l’outil ou du pinceau. Ça permet plus de spontanéité. Des fois, je fais des peintures avec un seul pinceau. Ça m’oblige à m’adapter, à trouver des nuances, à jouer sur la couleur » explique-t-il. Habile mélange de technique et de spontanéité, le travail d’Adec symbolise avant tout sa conception de l’espace.

Le travail de l’espace
Car l’espace est le premier matériau de tout bon peintre qui s'intéresse à l'art urbain. Et avec Adec, le street art prend un tout nouveau sens : « Le street art, ça se comprend dans le passage. On passe dans la rue, dans l’espace. Pour inscrire mes créations dans ce passage, j’ai besoin de raconter une histoire. » Différent des artistes qui apposent leur nom sur un mur, Adec ancrent ses créations dans l’espace, en fait des histoires. « Faire un personnage sur un mur, c’est bien, mais j’ai besoin de l’ancrer dans son espace, dans l’environnement. C’est ça le street art pour moi. Il faut créer des personnages qui font quelque chose dans l’espace, pour donner l’impression qu’ils pourraient exister. Mes dessins sont statiques, mais leur histoire leur donne du mouvement. » S’ancrer dans l’espace pour raconter des histoires, comme une façon de défier l’éphémère du street art.
Un univers affirmé
Et il faut dire que l’univers d’Adec se compose principalement d’histoires. Créant des personnages et des petites scènes qui s’inscrivent parfaitement dans leur espace, Adec a porté son dévolu sur les animaux plutôt que sur les figures humaines dans son travail. « Pour moi, les animaux représentent l’humanité, des parallèles sont possibles. Je m’en sers pour inverser les chaînes : des animaux géants avec de tout petits personnages. » Hauts en couleur, ses animaux géants doivent toujours être étudiés avec minutie.
Comme le tableau général d’une histoire lilliputienne, chaque création d’Adec est à admirer sous plusieurs angles :
Commencer d’abord par une vue d’ensemble, où l’animal géant se dessine avec ses couleurs et ses formes ;
S’intéresser ensuite à chaque détail qui le compose, à chaque scène imbriquée dans la scène générale ;
Enfin, se rapprocher de l’œuvre pour en étudier le support et les indices laissés par l’artiste pour comprendre comment il s’en est servi pour créer son œuvre globale.
Plusieurs étapes qu’il faut suivre avec minutie pour bien saisir ce qui fait la complexité du travail d’Adec. Car sous la simplicité, se cachent beaucoup plus que de simples couleurs.

La réalisation d’une fresque participative : les étapes
Cela, LineUP l’a bien compris : il n’a ainsi pas hésité à le proposer à la DRAC Occitanie pour le projet EXTRAMUROS, en collaboration avec le CHU de Montpellier. Le travail est simple sur le papier : créer une fresque sur un mur de 20 m au CHU en partenariat avec les patients. Adec désigné, il est temps de penser à la participation des patients. « J’ai pu parler avec les patients pendant une réunion Zoom très amusante, après je suis allé les rencontrer pour discuter du projet. Je leur ai proposé trois animaux totems, le flamant rose, le caméléon et la cigogne, il y a eu un vote et c’est le flamant rose qui a été choisi pour la fresque. Ensuite, on leur a proposé des kits pour qu’ils colorient ou proposent des petites scènes à ajouter aux dessins des flamants roses. Dans ces kits, il y avait des dessins et des crayons d’aquarelle pour que chacun dessine. » Avec plus de 25 participations de patients et de soignants la fresque est lancée. Pendant une semaine, à partir du 22 février, Adec se met donc au travail.
« Ce qui me plaît dans ce type de création, c’est l’échange. Le final m’importe peu, ce qui me plaît, c’est le moment : les moments de doute, les moments de speed, les échanges avec les patients. J’ai besoin de faire une bêtise pour me stimuler. Je fais volontairement des bêtises pour avoir des ascenseurs émotionnels et me motiver. » Il raconte ensuite sa rencontre directe avec les patients, au moment de peindre la fresque : « Au départ, je devais la peindre seul, et puis petit à petit de nouvelles personnes se sont intégrées au projet. Serge par exemple (un patient), qui est venu peindre avec moi, un jeune qui m’a donné un dessin et qui a une belle écriture, qui pourra peut-être écrire des textes sur la fresque, des enfants qui créaient des petits éléments pour alimenter mes scènes. » Une création originale signée Adec x Serge x tous les patients en quelque sorte. « Je suis peut-être encore là pour un mois ! Quand je viens quelque part, j’ai du mal à repartir. Par exemple, je ne devais faire que 20 m du mur, et finalement je vais en peindre 80 m. Pour moi, un projet n’est vraiment fini que lorsque la boucle est bouclée. J’espère vraiment plus tard dessiner un flamant rose qui s’envole. » La fresque n’a donc pas fini de grandir…

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Photos : tous droits réservés à Crusoa.